jeudi 28 juin 2012

Hagard

Tu es là.
Les autres n'existent pas.
La crainte à nouveau m'assaille, ne disparais pas ou je ne serai plus.
Reste pas loin, que je te vois, rien ne saurait m'enchanter plus, pas même la pluie fine des fins d'après midi, pas même le bleu parfait du ciel.
Ne te caches pas, crois que je saurais te voir quand la foule t'engloutit et malgré la brume poisseuse du centre ville.
Je balaye d'un furtif coup d'oeil les terrasses ensoleillées. Mais mes yeux ne s'arrêtent nulle part.
Il n'y a rien de plus que le brouillard des autres, les formes qui se fondent dans la masse, inutile et incolore.
Malvoyante, je retire mes lunettes et revêt le filtre vitreux.
Je sais, et puis je sais que tu le sais.
Vraiment pas décidée à croire qu'on est du genre à croiser le hasard trop souvent.
.

Edulcore

Ça pschitt comme une canette de coca qu'on vient d'ouvrir.
On pétille, c'est rafraîchissant et puis y'a ce petit  goût sucré sur le bout de la langue qui vous fait dire: "j'en veux encore!...".
Éphémère bal d'ouverture des sentiments.
 Les papilles en redemandent et les pupilles se dilatent.
Puis, les sentiments dissous et rongés par l'acidité,  ne reste que la sensation amère et plus que tout,  la très grande soif.
Je n'en veux à personne pour les erreurs que j'ai commises.




 

Refresh

Fini la Lemon Curd, je regarde la meringue qui se dessèche dans mon robot mixer.
Le paquet de blondes lui s'évapore tranquillement dans la chaleur écrasante.
Maintenant j'ai mal au ventre et ça n'en finit pas de cette journée qui dure et se traîne inlassablement , interminable alors que j'ai la nostalgie qui pend au bout des doigts.
J'voudrais pouvoir contempler un joli portrait de famille qui trônerait dans la pièce de vie.
Fuck off !
L'écran de l'ordinateur indique exactement 20h et semble souligner vu le ronronnement que j'ai vraiment rien eu de mieux à foutre de ma journée.
Si je vomis une fois de plus ça devrait passer, c'est clair, c'est gerbant.

J'ai besoin d'une mise à jour, quitter mon peignoir et sentir l'air frais, ta main sur ma joue et tes yeux qui me font signe qu'il est grand temps de se casser d'ici pour aller faire un tour.

dimanche 27 mai 2012


Loubin me salue et je rejoins ce qui devient rapidement une petite troupe.
Troc de feuilles à rouler contre trois sympathies au parc.
J'apprécie tout particulièrement Loubin, je me sens à l'aise à chacune de nos rencontres dans le parc.
L'homme, petite quarantaine grisonnante, affiche une nonchalance plutôt équivoque.
Le sourire toujours en coin a souffert mais ses yeux brillants et bleu ecchymose animent un visage astucieux et plein de malice.


Toujours avenant et  malgré les apparences, d'une finesse d'esprit plaisante.
De quoi soutenir aisément la conversation.
Mieux, la rendre drôle par des traits de sagacité.




   Il fait une chaleur de tous les diables,
et je vois loubin pour la première fois sans son blouson troué.
...
   Et puis je vois Loubin.
Il a cette peau tannée par le soleil, ce hâle typique de ceux qui passent le plus clair de leur temps dehors.
C'est un corps massif qui se découvre, révélant  un véritable cortège de balafres.
Le mastard affiche d'emblée une carrure massive inspirant à quiconque le respect,
incarnation criante du trimardeur averti, du mec qui en a vu et qui en a fait voir.
Cachés sous des airs de badaud, une intuition précoce, un corps d'une acuité accrue et d'une mouvance instinctive.
Le polak ouvre son sac à dos.
-"Tu veux une bière".
Je décline, ce qui semble le vexer un peu,
mais je sais que le polak oublie vite.
-"Fous lui la paix."
Loubin sait que je ne boirai pas de bière avec eux, d'ailleurs il ne m'en propose pas.








lundi 21 mai 2012

Marie Honnête

Parfois, quand je sors, je croise cette fille.
Je l'ai surnommé Marie.
Jeune femme à l'allure étrange.
Silhouette titubante sur le pavé, la maigrichonne jette ses membres tel un pantin désarticulé.
Les bras et les jambes sursautent comme en proie à de sombres désordres, semblant exécuter malgré eux une danse macabre.
Elle s'arrête soudainement, recule, semble ressusciter pour quelques secondes seulement,
tentant de rassembler les parties de ce corps versatile, étranger à lui même.
On croirait à un autre en dedans qui la bouscule, l'accule.
Très vite, le corps s'anime et reprend son chemin escarpé dans le rythme infernal.
Ma curiosité morbide me pousse à rechercher quel mal ronge cette femme qui chaque jour prend son courage à deux mains pour sortir dehors, en dépit du poids des regards railleurs et goguenards.
Marie ne se cache pas, elle est là, vraie.
Je trouve Huntington.


Normal.
Etre normal....


Quels mouvements involontaires trahissent la vilenie dont je souffre? Un diagnostic sociétal détermine t-il ce que je suis, ma nature, mon essence?

Relationcheap/Relationshit


Il existe beaucoup de voies pour clore une relation,
j'avais eu beau entamer celle-là par un avertissement:
-"Let's be clear and honnest, i'm not your girlfriend."
Le destinataire avait tout de même fini par travestir mes intentions.
 J’envisageais donc dans l'avenir de cesser de préparer le petit déjeuner aux amants dont l'adhésion dépasse l'abonnement hebdomadaire.
Ce sera donc un forfait nuit only. 
-"désolée l'offre "bed &breackfast" n'est plus disponible,
assurez vous de conserver vos émotions et sentiments personnels en lieu sûr,
l'hôtesse décline toute responsabilité en cas de perte ou dégradation...."
Evidemment la limite est difficilement cernable, pour un peu que la situation ait tendance à devenir confortable, pas d'engagement, pas de promesse, pas d'attente.
Door open, just come in.
Door closed, not available
.

Je m'allonge, feignant l'indifférence afin d'abréger l'instant pour le moins désagréable.
-"Tu vas finir comme ta mère!"
End of the transaction.

Le cabot

La petite bébête vous avait fait du gringue,
alors sans plus hésiter et sentant très certainement un nouveau vide affectif à venir,
vous avez acheté une paire de basket et tout l'attirail du parfait compagnon.
Coût initial de l'opération :
100 pour la paire Adidas qui fera de vous la nana au corps de rêve, (vous savez, comme celles qu'on voit courir dans les pubs (elle ne fait que ça...), toujours accompagnée de son fidèle  Médor , qui lui arbore des babines souriantes...)
120 euros frais de participation aux soins,
20 pour la laisse,
10 le collier,
40 premiers vaccins,
20 de croquettes par mois,
30 d'anti-puces et autres vers indélicats...
Bref, à cela se rajoutent les quelques paires de chaussures que Rex a enterré dans le jardin (ça me tire toujours une larme lorsque je repense à mes petites babouches en daim...), les bouquins de l'ancienne basse bibliothèque (qui a été troquée illico par une haute...) retrouvés en confetti et autres sacrifices douloureux au  prix d'une partie de l'éducation de votre chouchou à 4 pattes...
Au bout de quelques mois, le petit bâtard que l'on vous avait prédit comme "le joli petit cocker" a  perdu son poil de puceau pour revêtir une traîne de dreadlocks et tient plus du clochard que de la belle!
Le joyeux compagnon que vous admiriez tant en constatant les qualités de nageur émérite vous fait nettement moins rire depuis que la saison connaissant une météo des plus humides et minables se fait le plaisir de sauter dans toutes les flaques, de couvrir systématiquement sa "belle toison dorée" de boue.
Tout ravi qu'il est, il en profite à peine arrivé pour s'ébrouer et ainsi transformer votre petit appartement en véritable pataugeoire! Vous avez beau lui courir après en lui ordonnant de s'asseoir, il n'en a rien à secouer, sinon ses puces.
En véritable gardien qu'il est et ayant interprété votre célibat comme la preuve tangible de votre amour exclusif et sans limite à son égard, le tendre compagnon a décidé de vous prouver sa bravoure en sautant à la gorge de tous les autres mâles, devenant ainsi la terreur du quartier.
L'animal, doté d'un caractère impétueux et tyrannique a décidé quant à lui de renoncer fermement à la fatalité qui lui imposerait un destin de forcené, une vie de chien en somme.
Boudeur au restaurant, renfrogné devant la laisse, "monsieur" exige de se promener à sa guise sans contrainte aucune, rendant la moindre sortie en ville (non) proprement infernale!
Vos promenades d'autrefois où  les passants conquis s'arrêtaient avec plaisir pour "faire sa gra-gratte à son toutou",  garantissant ainsi le lien social tant regretté dans nos cités, dernier qui faisait alors tant votre fierté ont cédé la place à des courses effrénées où le tout voisinage vous ausculte gravement, laissant échapper au passage soupirs d'indignation ou regards craintifs, je précise que ledit animal aurait en effet, je le reconnais aisément, cédé à quelques innombrables moeurs immorales envers ses congénères quadrupèdes. 
Vous repensez, rêveuse, puis maussade et maugréant à la soirée de samedi prochain dont Pépette vous rabat les oreilles depuis trois semaines et qui dure deux jours, celle où à coup sur Jacques fera sa fameuse fontaine de punch et où Myrtille aura amené "pour le bien de la communauté", des tas de jeunes gens désireux d'en rencontrer d'autres...
Vous regardez défiler les noms sur l'agenda. Votre index s'arrête sur Mireille.
Mireille est une amie, compatissante et dévouée. Mireille adore votre compagnon poilu.
-"Dis qu'est ce que tu fais samedi? Heu dis, tu m'accorderais une faveur?